Le Sénégal aux prises avec une crise des engrais menaçant la sécurité alimentaire ?
Au cœur des bassins agricoles sénégalais, la crise des engrais jette une ombre menaçante sur la sécurité alimentaire du pays. La dépendance aux importations de ces intrants essentiels met les maraîchers en difficulté, avec des conséquences directes sur les rendements et les revenus des agriculteurs.
Dans la région des Niayes, réputée pour son sol sableux, la dépendance aux engrais est cruciale. Les maraîchers, tels qu’Amar Sall, soulignent l’importance vitale de ces substances pour la survie de leurs cultures. Les sols peu fertiles requièrent des apports réguliers en engrais, avec environ 450 kilos de ces précieuses billes répandues à chaque cycle sur une parcelle de cinq hectares.
Cependant, une menace pèse sur cette pratique indispensable. Les prix des engrais, en particulier de l’urée et du NPK, ont atteint des sommets ces dernières années, touchant même des records inquiétants précise un article de Le Monde. Adama Beye, un gérant de 37 ans, relate les difficultés d’approvisionnement, mentionnant des prix allant jusqu’à 45 000 francs CFA (environ 70 euros) le sac. Cette inflation aggrave les difficultés déjà rencontrées par les agriculteurs, qui, pour faire face, réduisent leurs achats, entraînant une baisse des rendements.
Les raisons de cette crise au Sénégal sont profondément ancrées dans des problèmes mondiaux. La perturbation des chaînes d’approvisionnement due à la crise liée au Covid-19 a été le point de départ, suivie de près par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La Russie, l’un des principaux producteurs mondiaux d’engrais, a vu ses coûts de production augmenter en raison de la guerre et a contribué à l’augmentation des prix mondiaux des engrais. De plus, le renchérissement du dollar a ajouté une pression financière supplémentaire pour les importateurs africains.
Face à cette crise, l’État sénégalais a mis en place des subventions massives, consacrant 40 % de l’enveloppe publique de soutien à l’agriculture aux subventions pour les engrais précise la même source. Cependant, la mauvaise gestion et les malversations réduisent l’efficacité de ces subventions, laissant les agriculteurs vulnérables aux fluctuations des prix mondiaux.
Pour atténuer ces chocs, le secteur agricole appelle depuis longtemps au développement d’une production locale. Moulaye Kandé, président de l’Association sénégalaise des professionnels de l’engrais, souligne l’importance de produire localement les composants clés des engrais, tels que l’azote et le potassium. Actuellement, la production de phosphore par le groupe Industries chimiques du Sénégal offre une solution partielle, mais le coût élevé du phosphate sur le marché international pose toujours un défi.
Face à ces défis, l’État sénégalais explore une alternative en subventionnant les engrais organiques. Cependant, cette transition n’est pas sans obstacles, tels que des coûts plus élevés et une production locale limitée. Ngagne Diop, président de la coopérative agricole Coopadin, se montre optimiste quant à la conversion vers des pratiques biologiques mais souligne également les défis auxquels le secteur doit faire face.
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La crise des engrais au Sénégal illustre les défis persistants auxquels l’agriculture africaine est confrontée en raison de sa dépendance aux importations. Les réponses gouvernementales, bien qu’essentielles, sont entravées par des problèmes de gestion et de corruption. Pour garantir la sécurité alimentaire à long terme, le Sénégal doit continuer à explorer des solutions locales et durables pour assurer la stabilité de son secteur agricole.